Revenir en Haut ronds imbriqués


 V 

Sur la route menant au port, Solham’dyr, héraut apprenti sorcier, progresse
dans des nappes de brouillard, brume respiratoire de la terre et du ciel,
la mer, tout près, invisible, étale et muette, semble s’être asséchée. 1


A l’approche d’un arbre réverbère, la coque échouée de l’arche taverne L’ô vague à l’âme
apparaît douillettement enveloppée dans la vapeur de sa propre chaleur intérieure.


L’imposante façade de sa proue s’agence en planches de bois taillées et décorées
de courbes et de figures stylisées harmonieuses, et se dissimule à peine
au creux d’un jardin touffu aux nombreuses fleurs et senteurs.


Solham’dyr sur le trottoir de la demeure, au seuil de l’allée végétale qui y conduit,
distingue la petite porte pourpre éclairée de plusieurs bougies enflammées.
Il suit le vestibule naturel, s’arrête au palier du sas drapé de velours.


— L’ouvrir, se dit-il.


Il entre. L’atmosphère du lieu le happe.
Sa présence respire l’air d’ambiance voluptueuse.


Musique orientalo-exotique en fond de cale, lumière tamisée fantasmagorique, où se retrouvent
les femmes et les filles des marins partis en mer, restées à quai, le plus souvent en exil,
prises d’aventure et d’amour lointains, guettant le retour prochain des hommes.


A leurs côtés, d’autres gens du village ainsi que des étrangers,
discutent ou dansent avec quelques-unes d’entres elles.


De petites lampes, posées ou suspendues un peu partout, illuminent la salle
d’un clair-obscur aux multiples lueurs et reflets, et la décorent d’une palette
de touches et de teintes éparses, peintes dans le bariolage des motifs tapissés
et des toiles tendues entre les poutres qui habillent la pièce jusqu’au plafond.


Solham’dyr s’avance parmi les tables basses, les meubles riches de babioles
et les sièges aux brocarts et aux coussins brodés de tissus fins. 2


Le jeune homme se dirige vers le comptoir autel en ébène brut qui,
le coffre sculpté en relief surmonté d’un plateau d’or massif,
dissimule en son ventre toute une collection hétéroclite
d’alcools, d’élixirs et autres boissons concoctées.


Il dit à la femme située derrière le bar :
— Bien le bonsoir Souméla.
Sers-moi l’esprit du rhum veux-tu ?


Elle acquiesce.


Il observe le visage de la vieille femme qui s’apprête à le servir ;
le dessin de sa peau aux alentours des yeux sages et sur son front,
les fines rides affluentes de sa bouche entr’ouverte ainsi que l’auréole
de ses cheveux aux longues mèches blanches en cascade autour de sa tête.


La lumière de la pièce dans la pénombre joue sur les apparences.


Le petit verre est prêt.


D’un volume d’une gorgée, le liquide brunâtre semble noyer d’ambre
le regard du buveur qui s’y attarde. 3


Solham’dyr s’empare de la coupe en cristal, la porte à ses lèvres et boit cul sec.
Le rhum ingurgité, il souffle son haleine dans l’air, ses narines se dilatent.
L’esprit monte tel un coup de bambou, lui ferme les yeux, le soûle
mais il les rouvre pleins de feu d’eau de vie et sans dégoût.


Impassible et condescendante, sa tante confidente, face à lui,
attend qu’il verse une larme d’émotion vive.


Et lorsque de la joue du garçon, la perle filante bifurque vers ses lèvres,
la servante sorcière murmure et interrompt au pas de la bouche
la chute de la goutte salée sur la langue du buveur sevré.
Et alors de lui répéter plus fort : A ton esprit !


— Bonsoir mon enfant, quel bon vent t’amènes ?
Ta mère me fait dire qu’elle ne rentrera pas cette nuit.
Elle est partit sur la presqu’île du phare rendre visite à ta grand-mère.
Tu devrais aller la voir. Bientôt elle nous quittera, et Ilama appliquera la coutume…


— Oui Souméla, laisse entendre Solham’dyr d’une voix à l’écho sourd comme dans un four.
Il déglutit pour s’éclaircir la gorge et sa pomme d’Adam de reprendre sa place.


— Au fait, je t’ai déjà vu dans le village avec la demoiselle assise là-bas.
Mais c’est bien la première fois qu’elle vient par ici. 

Solham’dyr se retourne au lieu-dit, les yeux allumés d’un feu d’alcool magique.
Il précise et fixe sa vision, remarque la fille accoudée à une table ronde,
un verre à la main, attentive, rêveuse sur ce qui se passe en salle.


Béati’bo justement et au même moment tourne la tête vers le bar,
et reconnaît la personne installée face à la serveuse.


L’individu se lève alors pour aller à sa rencontre.
Sur ses pieds sa tête tourbillonne dans les vapeurs de l’esprit du rhum.

— Merci pour le verre ma bacchante, lâche-t-il en la quittant.


Solham’dyr s’avance entre les fauteuils et leurs occupants, à travers les effluves
et les souffles chauds, les ombres et les lueurs de la capiteuse taverne capitonnée.


La demoiselle le voit venir, se sait être sa cible sans pourtant en éprouver de menace,
le jeune homme lui paraît aimable dans son attention et son approche.


Debout face à elle, il lui demande :
— Hello toi là ! Tu attends quelqu’un peut-être ? ...


Pour réponse, en signe d’invitation, elle sourie.


La flamme de ses yeux semble déjà l’apaiser, la réchauffer dans sa solitude.
Il l’examine d’une façon si intense qu’elle détourne un instant la tête.


Solham’dyr l’ensorcelle malgré lui et le sait.
L’effet éthylique n’embrouille ni ne lui voile la face.
Il est bel et bien conscient, lisible, intelligent et sensible.


— Tu as peut-être quelque chose à me dire ? lui propose-t-il.


— Oui... annonce-t-elle au jeune homme pour continuer :
Je suis venue voir ta mère, ma dame au miroir,
pour lui signaler le meurtre de son chat.
Il a été sacrifié près de la plage.
Je l’ai enterré puis ai prié.
C’était un bel amant.


— Feliniano ? Le chat naufragé sauvé lors d’un voyage je ne sais où par Ombatulkan,
et laissé en souvenir et au bon soin de maman lors du dernier départ de l’Owogun


— Il repart ce soir en mer, mort.


— Et où l’as-tu inhumé ?


— Sur la grande plage. La marée l’a sans doute même déjà emporté.


Béa le regarde dans les yeux.


Les pupilles écarquillées, il devine alors :
— Et c’est son sang que tu as sur les mains.
Ou peut-être es-tu blessée ?


— Je l’ai retrouvé sur un rocher dans la forêt, le ventre ouvert.
Je l’ai ramassé, sa fourrure électrique et ses entrailles fumaient...


Elle détourne son regard vers le corps de Solham’dyr ;
il caresse d’un geste ses doigts de femme souillés.
Le contact les rapproche intimes attentionnés.


Ils s’observent à distance de leurs bras reliés, presque enlacés,
Béati’bo s’attarde sur sa bouche prête à lui parler.


Solham’dyr, bercé d’une volupté avinée, lui avoue :
— A y songer, le chat était effectivement un bel amant.
Je me souviens que maman le laissait entrer dans sa chambre,
il venait souvent lui rendre visite et lui tenir compagnie, à dormir
allongé de tout son long sur les draps de satin et les oreillers moelleux…
C’est étrange mais chaque fois que j’évoque cette pièce, ça me rappelle ma naissance,
la réminiscence nostalgique des premières images, des premières sensations :
la tendre chaleur de la chair maternelle, la senteur nouvelle de l’air,
les ombres après avoir ouvert les prunelles à la lumière.


La tête baissée vers leurs deux mains, Solham’dyr porte celle de la jeune fille
maculée de sang à ses lèvres, en lèche une phalange pour goûter.


Béati’bo envoûtée, se trouve un peu gênée face à la scène que le jeune homme lui fait.
Il lui est beau ; son attitude, sa moue suçant son pouce, les yeux de feu fermés.


Solham’dyr rêve une histoire et la lui lit :


« Il lui susurre au creux de l’oreille que l’eau de ses yeux
le rend ivre chaque fois qu’il les croise.
Son regard glisse alors vers la bouche sensuelle qui s’entrouvre avec amour
sur une parole trop tendre pour le cœur.
Sensible, il chavire, se laisse tomber avec évanouissement sur le lit de soie bleue.
L’ivresse lui monte à la tête ; sa bouche aussi donne sur un déluge de délicatesse, pense-t-il.


Une cascade intarissable où les gouttes enchantées, perles suaves et salivées,
s’écoulent, frappent et frottent les roches dures sous le fouet d’un rayon de soleil,
pareilles aux mots qui passent et résonnent sur l’onde et l’eau de la langue,
elles viennent s’échouer sur la rive émotive de l’homme assoiffé.


Elle rayonne de tout son corps, de tout son paysage.
Boire à sa source, c’est goûter une pomme innocente qui ne cache pas ses péchés.
Bonne fée prostituée.
Elle se penche sur sa victime inanimée noyée dans son bonheur,
dont le plaisir se lit sur le visage divin, aux paupières closes.
Elle s’allonge de toute sa langueur amoureuse sur le corps de son amant,
glissant jusqu’à la tête pour lui faire face.
Elle observe le malade imaginaire.
Il ne dort pas, il attend.
Il attend que la chaleur de leurs deux corps nus n’en fasse qu’une.
Il respire déjà un peu plus fort, gonflant sa poitrine virile pour soupeser
la légèreté de la plume alanguie qui lui recouvre le corps.
Il est aux anges, pense-t-elle.
Elle effleure de son doigt à la griffe fine le profil offert tout en serpentant tout du long
puis la main entière vient s’étendre le long de sa joue.
Elle embrasse alors ses lèvres pour le réanimer, le ramener en surface, sauver sa folie.


L’homme se réveille, cherche l’air, reprend son souffle, ouvre les yeux.
Il est vivant, heureusement bien vivant.
Mais il faut replonger, sa bouche, ses yeux, l’appel des profondeurs voluptueuses.
Ivresse de tes fesses, ô déesse, quand tu nous tiens, viens... 4 »


Solham’dyr s’éveille l’air comme de retour sur terre.


Béa sourit.


— A quoi penses-tu ? lui fait-elle.


— Tu es belle à aimer à en mourir, mais rien n’y fait, je ne me rappelle jamais de ton nom ?


— Béati’bo, dit-elle d’une voix qui rebondit sur sa poitrine.


Les syllabes résonnent au sein de la tête bienheureuse du jeune homme.


Et puis v'là que vlan, derrière la porte, un incroyable cri d’abruti retentit.
Les bestioles dissimulées dans le corridor arboricole se sont tues.
Un coup de vent éteint les bougies extérieures et s’en va.


Dans le bâtiment, le silence suit le choc et la surprise.
L’armature du navire semble frémir de fièvre et de peur.


On attend.


La porte s’ouvre soudain à la lueur de la lune blafarde haute dans le ciel,
sur l’ombre d’une personne à la longue cape ondulante qui se tient,
immobile et menaçante sur le seuil au pas d’entrée profané.


La silhouette s’avance en claudiquant, magistrale dans sa désinvolture mais vigilante,
haletant d’une respiration sifflante et reniflant bruyamment les alentours.


Elle s’attarde au passage sur le regard et le corps des gens attablés ou debout,
son visage défiguré hésitant entre l’émoi et l’effroi selon le point de vue,
ne pouvant cacher cette impression d’une folie maligne indélébile.


L’individu, que tout le monde reconnaît et surnomme Almokyo Bucãli,
se dirige, toujours sur ses gardes et à l’affût, vers le comptoir autel.


A quelques pas, dans la pénombre d’ébène, il y aperçoit Mama Souméla
concentrée et imperturbable dans son rituel de cuisine alcoolique.


Il scrute, plisse le front pour préciser sa vue cyclopéenne,
flaire la distance qui les sépare, en quête d’une odeur rouge sang.


Il détourne alors la tête vers une table du fond d’où semble émaner le parfum sanguinolent.
Il voit presque les effluves traverser la pièce et lui monter au nez.


A la table dite, Solham’dyr et Béa ne l’ont pas lâché du regard depuis son entrée,
ils se tiennent sur le qui-vive.


Il faut se méfier de ce personnage.


Almokyo est plus connu comme étant le fou du village, un avorton d’ange androgyne maudit
racontant tout aussi bien l’histoire de son coq qui chante la nuit son amour de poule
disparue dans un cyclone, ayant pour seul souvenir qu’un cœur brisé déplumé,
que vaticinant des prophéties, des conseils inquiétants et des sermons
pour des événements à venir, qui la plupart du temps arrivaient. 5


On le dit barjot pour ne pas le contrarier et le mettre en colère.
Mais le Bucãli n’est pas que cela et Solham’dyr le sait bien.
Il est toujours raisonnable d’écouter ce qu’il a à dire.


Et en l’occurrence ce soir, Almokyo semble vouloir, telle une pythonisse frénétique,
un aliéné malade illuminé, prévenir quelqu’un de quelque chose d’important. 6


Son faciès dramatiquement tendu ainsi que son apparition surprenante trahissent
une de ses crises mystiques qui n’a rien de pathologique bien au contraire,
son oeil valide et monstrueux s’allume d’une lueur trop hallucinée
tandis qu’il s’approche de la table des deux jeunes gens.


A leurs pieds, il trace un sourire de simagrée qui apparaît effrayant pour Béati’bo.


Solham’dyr, de son côté, se lève de son siège confortable pour lui faire face.


Le Bucãli lui lance :
— Salut à toi fils d’Ocham, d’une voix grave et gutturale qui s’annonce sarcastique.
N’écoute pas toutes les histoires que ton père raconte au coin du feu.
L’imagination peut jouer apparemment bien des tours.
Et ce matin, j’en ai ouï une bien belle.


Il regarde à propos Béati’bo qui le dévisage sans pouvoir le quitter des yeux.


Surtout cet oeil globuleux et irisé de mille et un reflets prismatiques
qui s’est décalé vers l’entre-deux, au niveau du troisième oeil mythique.


Mais celui d’Almokyo est plutôt un avatar de sa folie, évoluant tel celui d’un cyclope
pour pallier à la perte de l’autre à gauche, cicatrice en croix,
à la suite d’une vieille histoire louche.


Et le reste du visage n’en est que plus horrible et fascinant, hâve et moribond
jusque dans le grain de peau, cheveux de crin humide sous la capuche du manteau,
seulement à y regarder de plus près, le dessin de la bouche est-il plus finement sculpté
au milieu des rides boursouflées ; lèvres généreuses à la commissure en dentelle
bougeant, lorsqu’il parle, d’une moue pulpeuse faussement pudibonde
et dont le bruit, en écho, dément chaque mot prononcé.


Observé à propos, il s’adresse à elle :
— Il me semble que la saveur se fait plus suave par ici, n’est-il pas ? en se retournant
tout à coup vers Solham’dyr pour le confronter, à presque s’y frotter.
— Tu ne dis rien.



Sa sinistre bouche sensuelle lui chuchote alors :
— Serais-tu muet ce soir ?



Puis d’une voix démone innommable :
— Ton salopard de pater ne l’a pas été en tout cas.
Ainsi, il a encore libéré la parole des esprits des ancêtres.
Et à cette heure-ci, ils cherchent le sacrifice qui leur est consacré.
En cette nuit de lune, le corps et le sang ont été volés, jette-t-il, accusateur et vil.
La Cérémonie est violée...


Et son oeil de demander :
— Comment l’appele-t-il au fait ?


Solham’dyr, stoïque et rusé dans son intelligence vive et avisée, examine 
l’excroissance désorbitée de cet organe monstrueusement visuel,
puis baisse les yeux vers la bouche de vampire en manque,
et souffle sous son nez immonde pour lui répondre :
— La Sereine Cérémonie a eu lieu comme chaque soir.
Pa Ocham ne sait pas ce qui se passe ensuite.


— Et toi, le sais-tu assurément ! réagit Almokyo, son gros calot déjantant en nystagmus.
Car à sentir l’odeur qui refoule de ton gosier, tu dois être carnivore
à tes heures mais ce sang-là n’est pas sans soupçon.
Ne sentirait-il donc pas le chat ?7


Et à Béati’bo :
— Le chat de cette demoiselle peut-être ?

La fille démasquée cache ses mains sous la table entre ses cuisses.
La honte plus forte qu’elle l’a prend en faute et la fait rougir.


Almokyo Bucãli sourit de son oeil en biais et de sa bouche aux lèvres candides.


Il continue :
— Il ne faut pas déranger les morts dans leurs petites habitudes.
Pour eux, le vol est un sacrilège et qu’importe la fuite du coupable,
chaque trace mènent à l’homme, la punition sans pardon est inévitable... 8


— Qu’attends-tu de nous alors ? interrompt brutalement Solham’dyr.
Faut-il se laisser prendre à ton jeu et s’apitoyer sur son sort ?
Nous ne sommes donc plus libres et sommes condamnés.
A quoi bon discuter et déblatérer ainsi, nous acceptons,
en se tournant vers Béati’bo pour lui donner la main.


Almokyo, estomaqué et surpris par la tournure de la situation, rétorque quand même :
— Certes la parole d’un fou n’est sans doute pas tout à fait saine d’esprit
mais parfois ce qui se dit n’est pas aussi stupide que cela.


Et tout en jetant un coup d’oeil sur la main coupable que Béa tend à Solham’dyr,
il pense à part soi, un peu pris au dépourvu mais en se faisant une raison :
— Il est donc temps de les mener à La Ravine d’où arriva l’Eau...


Puis quelques instants plus tard, après avoir traversé en un silence solennel
l’arche taverne L’ô vague à l’âme sans que quiconque ne dise mot,
comme de bien naturel et sage, le Bucãli se demande,
la main sur la poignet de la porte refermée :
- Si tôt, vraiment … non, tu mens ?




k 2000


 NOTA BENE 

mise à jour 07 01 21

• 1   héraut : du francique heriwald, de hari, « armée », et wald, « chef ».
Au Moyen-Age, officier chargé de faire des publications solennelles, qui annonce un événement, la venue de quelqu'un ou de quelque chose ou qui en chante les louanges.
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• 2   brocart : étoffe de soie aux motifs brochés d’or ou d’argent, d’origine chinoise.
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• 3   « Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie 148
ta vie que tu bois comme une eau-de-vie »

APOLLINAIRE, Alcools, Zone, 1913.
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• 4   Je veux une femme
pour parler au désert blanc de ses yeux
pour danser sur la piste aréolée de ses seins
pour rêver, pour dormir dans la machine ronronnante de son coeur
pour marcher sans détour le long de ses cheveux
pour me prélasser sur la plage mouillée de ses lèvres
pour me nourrir dans le festin en coupe de son nombril
pour sentir la brise délicieuse et veloutée de sa peau
pour l'aimer et le lui dire dans le creux de l'oreille
une femme.


« Et j’ouvris la gueule du lion avec la clef parfumée du sourire.
Et je souris au sourire du « Oui ! » …
Je me rappelle ton corps de sourire et de soie aux caresses de la tendresse…
Hâ ! aux abîmes de l’extase, ton corps de velours de fourrure,
la toison de ton vallon sombre à l’ombre du tertre sacré. »

L. SEDAR SENGHOR, Élégies majeures, Élégie pour la Reine de Saba, 1979.

« Riant à moi, brutal d’ivresse,
Qui te prendrais
Comme cela, - la belle tresse,
Oh ! - qui boirais
[...]
- Ta poitrine sur ma poitrine,
Mêlant nos voix
[...]
Je te parlerais dans ta bouche :
J’irais, pressant
Ton corps, comme une enfant qu’on couche,
Ivre du sang
Qui coule, bleu, sous ta peau blanche
Aux tons rosés :
Et te parlant la langue franche....
Tiens !... - que tu sais...»

A.RIMBAUD, Le Recueil de Douai, Les réparties de Nina, 1870.
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• 5   vaticiner : prédire l'avenir - en parlant comme un oracle - , prophétiser.

S'exprimer dans une sorte de délire prophétique.

folie > fou > latin follis «sac», ballon plein d’air.
Alors être fou, c’est comme avoir une bulle dans la tête !

« Tout le monde a un bien-aimé dans le ciel. Le cœur de chacun crée un être dans l’espace.»

K. GIBRAN, Le Fou du Lazare et sa bien-aimée, 1929.

- J’ai vu l’ange étrange de la nuit.
Il se promène dans les recoins de nos maisons.
Il se faufile à travers des souffles reposés.
Son coeur est celui qu’il nous emprunte pour une nuit.
Ses yeux fatigués, lourds du sang cristallisé de notre existence,
se fendillent en lune mordorée.
Il se couche dans les lits de vierges, poignarde ces amantes d’un soir
et les rejette ici-bas, quittant leur drap étoilé pour celui de laine étouffée.
Il s’improvise toujours l’ange étrange de la nuit.
Mais à minuit, il plonge au travers de la Lune,
dans sa bouche aux cratères comme des dents
il se noie au sein de son ventre rond si profond,
mère d’argent et de lait si céleste, si bonne et si belle.
Il y rejette son sang, se vide l’âme en la retournant comme une boîte déjà vide.
C’est fini il s’arrête...
du moins, je l’ai vu. -


« Comme les anges à l’œil fauve,
Je reviendrai dans ton alcôve
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit ;
Et je te donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d’une fosse rampant.
Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
Où jusqu’au soir il fera froid.
Comme d’autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux régner par l’effroi. »

C. BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Le Revenant, 1857.
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• 6   pythonisse : prophétesse, voyante inspirée par Apollon pythien.
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• 7   nystagmus : du grec nustagma, « baisser la tête » .
Spasme des muscles de l'oeil provoquant des mouvements oscillatoires - ou parfois rotatoires - et saccadés du globe oculaire.

Il s'agit de mouvements rythmiques des globes oculaires le plus souvent horizontaux mais parfois verticaux ou rotatoires. Il y a en général alternance d'une secousse rapide et d'une secousse lente. La secousse rapide détermine le sens du nystagmus. Les deux yeux sont le plus souvent atteints en même temps mais il existe un nystagmus monoculaire. On trouve parfois une position de blocage, c'est à dire que le nystagmus diminue fortement d'amplitude dans certaines positions du regard. Enfin il s'y associe fréquemment un strabisme et une diminution de l'acuité visuelle.
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• 8   L'homme est un gracié qui s'est fait justice lui-même.
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effets psyché matthew di vito

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