écriture création et art d'être
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« Mon cœur est peint par ma langue», 1

dit le roi tandis que dans le temple la cour écoute,

à voir assister à une mise en scène, mise en page, de la Parole d'avant les mots,

au théâtre et son double d'Artaud, « ce cri que je viens de lancer est un rêve.

Et je veux avec le hiéroglyphe d'un souffle retrouver une idée du théâtre sacré»
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et voir et entendre AK'AB TS'IB, écriture peinture obscure de la nuit maya 3

au coeur des ténèbres mystérieuses, passe et n'ai pas peur,

« en vérité tu cherches, tu sollicites que l'on te fortifie l'âme ; tu es venu pour cela ;

tu es venu te voir dans le miroir, tu es venu consulter le livre...»
,4

à cacher sa face, mettre le masque et lire le bakab, son et sens dans un miroir,

comme rêver à l'envers, passer sa surface au travers,

mire-la moi soi toi, glyphe mot noir, le long de ce pilier poteau-mitan du monde,

porte le crâne aux cornes gardien d'X-hahil, l'eau feu nouveau des origines

pas encore versée de sens et de vers en sang,

verge siffle sexe tête de serpent donne-moi le fruit en bouche.

« Il faut mourir à l'Histoire pour découvrir et vivre l'Etre.» 5

Ecrire c'est alors apprendre connaissance à mourir, naître à nouveau,

être maître de la force obscure, Chilam scribe écris Chaman,

suivre son way double et métamorphose, appel au vencêtre le vent ancêtre,

le totem génie, ntoro esprit, kra, atka, iningukua, nyarong, nagual,

âme homonyme, 6 amitié inhumaine en participation intime

commune à la création d’action et drame,

à l’idée dédoublée de l’ombre d’oelohim, ob, ka ou spectre, tamaniu, atai, mauri,

hau, 7 hou !

peur de quoi, où es-tu ?

« Par l'effet de cette symbiose des vivants et des morts,

mystique et concrète à la fois,

l'individu n'est tout à fait lui-même que grâce aux ancêtres

qui revivent en sa personne. »
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gauche left flechedroite right fleche

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_ 1 : Looking for Richard _ film de Al Pacino _ (1996)
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_ 2 : « Ce cri que je viens de lancer est un rêve.»

« Et je veux avec le hiéroglyphe d'un souffle retrouver une idée du théâtre sacré.»
_ Le Théâtre et son Double _ essai de Antonin Artaud _ (1964)

« Tout ce qui a un nom sous la voûte compacte du ciel, tout ce qui a un front, - ce qui est le noeud d'un souffle et la corde d'un frémissement, tout cela passe dans les girations de ce feu où se rebroussent les vagues de la chair même, de cette chair dure et molle et qui un jour monte comme le déluge d'un sang.» _ Correspondance de la momie / L'ombilic des Limbes / le Pèse-nerf _ poésie de Antonin Artaud _ (1956)
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_ 3 : « Ainsi bakab, pilier énigmatique du monde, est construit sur le redoublement et l'inversion de bak lequel revêt (au moins) sept sens... »

« Mais sous bakab nous entrevoyons akab dont la sonorité rappelle ak'ab, la nuit, l'obscurité, qualificatif de l'écriture. Ce voyage à contresens en suivant le bak nous permet d'approcher ce qui caractérise les bakab : piliers du monde, gardiens énigmatiques de la petite X-halil - eau originelle, pas encore versée, êtres inversés dont les yeux sont ouverts et sortis de leurs orbites quand ils dorment et fermés lorsqu' ils sont éveillés. »

« Ecrire la nuit, tel notre Pierrot lunaire, c'est être poète, c'est-à-dire le seul écrivain qui vaille, celui qui ne sait jamais quel sens se cache sous un mot, celui qui avance masqué pour mieux ressembler à celui qu'il chasse. L'écrivain qui oublie la poésie, oublie aussi que sous les mots, il existe d'autre mots encore. En inventant l'alphabet et l'arbitraire du signe, nous avons pris le risque de donner un sens unique aux paroles. »

« Si on suit ma proposition de considérer l'écriture comme une manière d'entrer vivant dans la mort, de descendre au royaume des morts pour remporter le combat contre les puissances obscures en devenant soi-même un maître de l'obscurité, écrire, être le sujet d'un texte - mais peut-être aussi écrire un texte, si on considère le statut très élevé des scribes, parfois rois eux-mêmes - était donc le moyen de transcender leur condition de mortel. En Occident, on dirait devenir divin, mais je pense que la notion de Dieu n'est pas adaptée au monde maya. Je préfère employer la notion de vencêtre, traduction du maya ik', c'est-à-dire vent et ancêtre mythique.»

_ Dossiers de l'Archéologie n°260 (02 2001) L'ECRITURE ses diverses origines - Michel Boccara du CNRS - Université de Picardie
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_ 4 : - citation in Augurios y abusiones (1969)(20,21) trad. Alfredo Lopez Austin UNAM IIH Mexico

- Lire L'Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne de Bernardino de Sahagun (Editions Porrua, Mexico, 1975)

- Lire le Rêve Mexicain ou la pensée interrompue de JMG Le Clézio (1988)

- voir aussi les sites suivants :
http://www.basile-y.com/popolocas/p1f.html
http://www.basile-y.com/popolocas/p1a.html
http://www.chroniques-nomades.net/pelemail/nomade/recits/sacrif.html
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_ 5 : Mythes, rêves et mystères _ Mircea Eliade _ ( page 71 folio 128 Gallimard 1967)
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_ 6 : « Le ntoro, principe qui se trouve dans chaque individu, est défini par M.Rattray de la façon suivante. "C'est la ntoro de l'homme qui, en se mêlant au mogya de la femme forme l'enfant, et précisément de même que la femme lui transmet son mogya ou son sang, l'homme lui transmet son ntoro. Ainsi chaque individu des deux sexes a en lui deux éléments distincts : le mogya ou sang, et le ntoro ou esprit... Le ntoro se propage en ligne masculine aussi longtemps qu'il y a des mâles, mais il est immédiatement perdu, dès qu'on arrive à la ligne féminine.» (Capitaine R.S.Rattray, Ashanti, p36-37)

« L'élément ntoro, ajoute M Rattray un peu plus loin, semble souvent être uni à l'eau, ou à un liquide comme la salive..., mais j'indiquerai seulement ici très rapidement que, lorsque l'on donne à un enfant son nom, par exemple celui de son grand-père, on conduit le bébé chez lui le huitième jour, et il crache dans la bouche de son petit enfant, pour fortifier l'esprit qui est déjà là, et qui naturellement est déjà son propre ntoro, qui s'est transmis à l'enfant par l'intermédiaire du fils du grand-père (non pas de sa fille, car le grand-père maternel ne peut pas être du même ntoro que les enfants de sa fille). La loi est absolue : il n'y a qu'une personne du même ntoro qui puisse accomplir ce rite.» (ibid p54) [244-247]

« Comme on l'a vu plus haut, l'atka et le nom sont un seul et même être. On se rappelle la définition de Ramussen : " L'homme se compose du corps, de l'âme (nappan) et du nom (atka)." Nous la comprenons mieux, maintenant que nous savons plus précisément ce qu'est l'atka : l'âme gardienne, le génie tutélaire de l'enfant, c'est-à-dire l'ancêtre incarné en lui... L'enfant qui vient au monde n'est pas vraiment un mort qui renaît. Il a son nappan à lui. Au bout de quelques jours seulement, on lui procure l'atka qui prendra soin de lui, qui assurera sa croissance et son progrès. Cet atka ne se confond pas avec sa personne. Jusqu'à un certain point il en reste distinct. " L'atka est quelquefois à l'intérieur de l'enfant, quelquefois près de lui ; parfois il s'en va très loin. Quand son atka s'éloigne de plus d'une toise ou davantage, l'enfant se met à pleurer et il ne cesse pas tant que l'atka n'est pas de retour." On reconnaît en cet atka un élément de l'individualité qui a été étudié plus haut sous les noms de génie tutélaire, inigukua, kra, ntoro, nyarong, etc., bien qu'il en diffère en quelques points.» [413-415] _ L'âme primitive _ essai de Lucien Lévy-Bruhl _ (1927)

- voir le nagual Dom Juan de Carlos Castaneda
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_ 7 : Ka égyptien : - Double, ancêtres mythologiques, totémiques, les êtres éternels du rêve _ Les Portes du rêve _ Géza Roheim p155, 156…
- Ka phallus, taureau, taureau de sa mère...
Au féminin, vulve, vache...
Procréer ou Mourir = passer à son ka, rejoindre son ka
Flamme du feu, scarabée soleil levant...
« C'est ton fils, que ton Ka t'a engendré ; ne sépare pas ton cœur de lui.» 158 - Ka, Saint Esprit.

Ob : élément de la préposition latine ob en face, à l'encontre. Souffle des ossements. Double. Vestige de l'état humain. (ombre)
« Des textes qui viennent d'être cités résultent simplement : 1 l'existence d'un "second soi", être ou objet mystérieusement uni avec l'homme ; 2° la solidarité mystique de cet être ou objet avec l'individu qui vit et meurt en même temps que lui ; 3° la définition de cet être ou objet comme atai, tamaniu, niniai, nunuai, nunu, c'est-à-dire comme ombre, reflet, image, écho, double.» [173] _ L'âme primitive _ essai de Lucien Lévy-Bruhl _ (1927)
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_ 8 : L'âme primitive _ essai de Lucien Lévy-Bruhl _ (1927)
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gauche left fleche ancre hautdroite right fleche

ligne de basse